38ᵉ édition
17-25 janvier 2026

Anatomie d'une chute

Justine Triet

Image Anatomie d'une chute
© Les Films Pelléas, Les Films de Pierre
France
2023 Fiction 2h31
VOF
Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.
Interprétation : Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado-Graner, Antoine Reinartz, Samuel Theis, Jehnny Beth
Scénario : Justine Triet, Arthur Harari
Image : Simon Beaufils
Montage : Laurent Sénéchal
Production : Les Films Pelléas, Les Films de Pierre
Distribution : Le Pacte
« "Qu'est-ce que vous voulez savoir ?" La première réplique d'Anatomie d'une chute est prononcée par Sandra Voyter, écrivain allemande reconnue, interviewée par une étudiante chez elle, un chalet isolé à la montagne, légèrement grisée par les verres de vin. Son fils de 11 ans, malvoyant, s'occupe du chien. À l'étage, Samuel, son mari français, travaille. Ou il fait semblant, poussant le volume de la musique à fond. Il s'agit d'une version instrumentale du titre P.I.M.P. du rappeur 50 Cent. C'est sans doute une coïncidence mais « pimp » signifie maquereau, au sens de proxénète, en argot américain. Deux heures et demie plus tard, le spectateur en saura beaucoup sur Sandra. Sa vie privée, son travail, ses infidélités, tout son linge, sale ou propre, sera déballé sur la place publique au cours de son procès. Elle est accusée d'avoir tué son mari, retrouvé le crâne fracassé au pied de leur chalet. Suicide ou homicide ? Le médecin légiste n'exclut pas l'intervention d'un tiers. Mais deux heures et demie plus tard, la vérité se dérobe. Toute la vérité, rien que la vérité, échappe. L'ombre d'un doute subsiste. On le doit à l'interprétation de Sandra Hüller, implacable, opaque, rétive à toute concession. Le contraire d'une Barbie, en quelque sorte. On le doit surtout à l'écriture et à la mise en scène de Justine Triet, qui cosigne avec son compagnon, le réalisateur Arthur Harari, un scénario riche en références sans jamais se laisser écraser par elles. On reconnaîtra ainsi aisément aussi bien l'influence de Soupçons, la série documentaire de Jean-Xavier de Lestrade qu'Autopsie d'un meurtre, d'Otto Preminger. Sauf que l'accusée est ici une femme puissante dont on apprend que le mari était professeur et dépressif. Il faisait la classe à leur fils à la maison tout en essayant, lui aussi, d'écrire malgré son incapacité à créer. Cette inversion des rôles, pour ne pas dire déconstruction, n'est pas innocente. Elle peut sembler théorique, elle est au contraire formidablement incarnée (...). De l'interview journalistique à l'interrogatoire judiciaire, la parole n'est jamais neutre dans Anatomie d'une chute. Elle instaure un rapport de force. Si Triet aime tant filmer les tribunaux – voir Victoria avec Virginie Efira en robe d'avocate –, c'est par goût de la joute oratoire, forme qui assume pleinement le sens du combat. » (Étienne Sorin ; Le Figaro)