Après deux décennies passées à gagner ses galons de photographe professionnel puis à asseoir son indépendance, Raymond Depardon ouvre une carrière parallèle en signant son premier long métrage, 1974, une partie de campagne. Censuré, le film ne verra le jour qu’en 2002, mais loin d’avoir mis un terme à cette seconde activité, cette plongée dans les coulisses de la campagne de Valéry Giscard d’Estaing fonctionne pour Depardon comme un exercice d’apprentissage. Caméra à la main, il suit au plus près les pérégrinations du futur président, réussissant à se faire oublier, que ce soit dans l’intimité de discussions en cercles restreints comme dans des situations prises sur le vif. Au montage, il n’ajoute aucune voix off ni commentaire. En 21 longs métrages, Depardon a perfectionné cette méthode autour d’institutions qui lui permettaient de filmer des rencontres fortes : un commissariat de police dans Faits divers, les urgences psychiatriques dans Urgences ou encore le bureau d’un substitut du procureur dans Délits flagrants. Les paroles enregistrées de personnes malades, à bout, délinquantes, misérables, créent un aperçu des névroses de la capitale et révèlent les injustices et la souffrance de populations oubliées et marginalisées. À l’inverse, dans sa trilogie regroupée sous le titre Profils paysans, Depardon filme le monde paysan dont il est issu comme mutique, au bord de l’extinction. Il garde également une passion vivace pour l’Afrique qu’il a découvert à 18 ans lors d’une expédition au Sahara. Il y tournera deux films entre la fiction et le documentaire dont La Captive du désert avec Sandrine Bonnaire qui s’inspire de la détention vécue par Françoise Claustre pendant deux ans et demie au Tchad dans les années 70. Son dernier film, 12 jours, sort en salle en 2017 et a remporté un franc succès. Depuis plus de 30 ans, Raymond Depardon collabore avec Claudine Nougaret, son ingénieure du son, qui devient régulièrement à ses côtés, productrice, voire co-réalisatrice. Tous deux développent une œuvre où le regard et l’écoute s’associent dans une démarche cinématographique exigeante. |